À l'époque du Zidane joueur, le Real Madrid empilait les attaquants et autres joueurs à vocation offensive de renom comme on collectionne des artefacts coûteux, souvent antiques et parfois de mauvais goût. Les Owen, Beckham, Figo, Morientes et Raul se côtoyaient avec absence de vergogne sur des terrains trop petits pour leurs talents et des vestiaires trop ténus pour leurs égos. Les Galactiques 1.0 étaient une pyramide (salariale) inversée qui a fini par se faire rattrapper par les lois élémentaires de la physique.
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Tout en haut, les stars exclusivement offensives et derrière, les bouche-trous claudiquants et brinquebalants, attelage poussif composé de jeunes issus du centre de formation ou recrutés de manière anonyme dans les équipes de jeunes de division ou de standing moindres. Bien avant que le Barça de Messi et Xavi ne popularise les équipes du cru et ne propulse La Masia sur le devant de la scène médiatique, le Real usait de ses 'Canteranos' comme de sparadraps sur une jambe de bois. Les Ruben, Mejia et autres Raul Bravo auront tout fait pour colmater les immenses brèches laissées par des coéquipiers rétifs au concept de remplacement défensif ou carrément exemptés contractuellement des taches ingrates. Cette équipe coupée littéralement en deux a fini par couler dans les bas-fonds de l'histoire des grandes formations un peu comme le Titanic, à l'exception que pour le Real, l'orchestre ne jouait pas -ou très mal- en s'enfonçant dans les abysses.
Le Zidane entraîneur a tout fait pour éviter que l'histoire ne se répète, en introduisant un concept de méritocratie dans son onze et en usant des jeunes talents à son actif à bon escient. Les success stories se sont succédées chez les anciens pensionnaires de la Fabrica Blanca et les joueurs recrutés jeunes pour être, in fine, façonnés dans le moule merengue. Casemiro ou Carvajal sont de bons exemples de ce vertueux procédé, mais restent des joueurs à responsabilité défensive avant tout. Là où la révolution est plus préganante, c'est dans le camps des attaquants.
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Un camp décimé par plusieurs fléaux cette saison, allant des blessures de Bale, à l'inefficacité de Benzema, en passant par un Ronaldo peu flamboyant en début de saison sans oublier un banc manquant de profondeur… Des fléaux qui ont déjà coûté au Real deux titres majeurs.
Au sein d'une BBC qui s'effrite et d'une attaque qui se morcèle, le vent frais apporté par Lucas Vazquez et Marco Asensio permet au Real de respirer enfin. Les deux jeunes espagnols sont là pour rectifier le tir et offrir de nouveaux choix tactiques à Zidane. Ils arrivent à point nommé pour la fin de saison et le money time de la C1 avec cette double-confrontation face à l'épouvantail turinois.
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L'apport des deux hommes a été le plus visible face au Betis Séville (5-3) récemment en Liga avec un doublé pour Asensio et deux offrandes pour Vazquez. Marco Asensio à gauche et Lucas Vazquez à droite, c'était aussi la formule face au PSG en 8es de finale retour de Ligue des champions avec le succès que l'on sait. Asensio avait également fait très mal à Paris au match aller sur les buts de Marcelo et Ronaldo.
Les deux hommes peuvent jouer les ailiers besogneux dans un 4-4-2 à plat avec Benzema et Ronaldo devant (comme face à Paris) ou évoluer comme les deux pointes excentrées d'un trident en 4-3-3 avec Cr7 en pointe. De fait, ils offrent à Zidane un nombre appréciable de combinaisons grâce à leur repli défensif sans faille et leur instinct de buteur et en fonction des absences.
"Il a la confiance de tout le monde. Aujourd’hui, il l’a encore prouvé, il se fiche des noms. Nous sommes une équipe et nous ramons tous dans le même sens, c’est la base de l’équipe", avait louangé Zidane à propos d'Asensio après le 8e retour face au PSG. "Ils méritent toujours de jouer plus. Quand c'est leur tour de faire le sale boulot, ils le font et avec personnalité", avait également confessé Zizou au sujet de son duo dynamique en conférence de presse dans des propos relayés par Marca.
Ce sont également des joueurs soucieux de préserver l'harmonie du vestiaire et qui se gardent bien de se plaindre ouvertement de leur manque de temps de jeu, à l'instar d'Asensio qui, pressé par les médias espagnols à ce sujet, a rétorqué que le coach "avait sûrement ses raisons" de lui octroyer un temps de jeu aussi réduit. Recruté contre 3,5 petits millions d'euros depuis le Real Majorque en 2014, Asensio avait déjà affiché ses caractéristiques de "clutch player" qui répond présent quand on a besoin delui la saison dernière, face au Barça en Supercoupe d’Espagne ou au Bayern en Ligue des champions.
Avec un Ronaldo désormais bien plus productif et létal dans le rectangle adverse que sur le flanc gauche, Asensio a une véritable carte à jouer dans un Real orphelin de certitudes offensives, lui qui se pose en complément parfait de Marcelo sur le flanc gauche, lequel traîne la patte cette saison en défense. De l'autre côté du pré, Vazquez offre une véritable alternative à Bale qui a une lourde tendance à repiquer dans l'axe et une encore plus lourde tendance à piquer vers l'infirmerie. Véritable joueur de couloir, Vazquez offre un bon équilibre en terme de repli et sait se rendre disponible avec ses courses sans ballon pour étirer le bloc adverse.
Zidane le sait, le temps des Canteranos colmatant les fissures et obstruant les déficits est révolu. Asensio et Vazquez, ces joueurs de l'ombre, qui veulent leur part de lumière, se conjuguent autant au futur qu'aux besoins immédiats du Real.