Jurgen Klinsmann est un grand nom du football allemand. Il y a vingt-huit ans, il était parmi les grands artisans du triomphe de la 'Nationalmannschaft' lors de la Coupe du Monde en Italie. Ce fut le sommet de sa carrière de joueur. Il en a ensuite connu une autre en tant qu'entraineur et qui aurait également pu déboucher sur un triomphe planétaire (2006). Au repos depuis la fin de sa mission comme sélectionneur des Etats-Unis (fin 2016), le technicien de 53 ans continue à passer son temps entre son pays et celui de l'Oncle Sam. Et en attendant un nouveau projet, il s'est confié dans un entretien à 'Goal'.
Une longue interview dans laquelle l'ex-buteur de l'AS Monaco a balayé de nombreux sujets, y compris les plus sensibles le concernant. Il est revenu notamment sur sa riche aventure avec la sélection US et qui s'est terminée de manière compliquée, de même que ses deux années passées à la tête de l'Allemagne. Il a évoqué aussi son intérêt envers la Ligue 1 où il a passé de bons moments, ainsi que la Coupe du Monde qui arrive et son futur personnel.
"Je vois l'Equipe de France atteindre au moins les demies du Mondial"
Donnez-nous un peu de vos nouvelles s'il vous plait ? On vous a un peu perdu de vue depuis la fin de votre mission aux Etats-Unis.
Depuis que j'ai quitté le football américain, j'ai eu l'opportunité de voir mon fils se produire à la Coupe du Monde des moins de 20 ans, l'année dernière en Corée du Sud. Et aujourd'hui je suis son parcours au Hertha Berlin. Personnellement, je suis resté assez occupé en raison de nombreux projets ici aux Etats-Unis. Mais j'ai aussi eu du temps pour mon passe-temps favori, piloter un hélicoptère.
Allons-nous vous revoir bientôt sur un banc ? Et y a-t-il une chance pour que ça soit en Europe ?
Tout est possible dans le football, mais il est plus probable que je prenne une nouvelle fois en mains une sélection nationale plutôt qu'un club en Europe.
Dans deux mois, il y a la Coupe du Monde. Est-ce une compétition que vous allez suivre avec attention ?
Oui, je serai en Russie pour les matches à élimination directe pour travailler pour la télévision (ndlr, la chaine anglaise BBC). Les favoris sont les habituelles grandes nations que sont l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Argentine et le Brésil. L'Angleterre a aussi une équipe fantastique et ça serait très intéressant de voir quels seront les outsiders qui vont pouvoir créer la surprise.
Que pensez-vous de l'Equipe de France ? Jusqu'où la voyez-vous aller ?
La France fait partie des favoris pour la Coupe du Monde cette année. C'est une sélection avec plein de qualités et qui possède aussi un coach exceptionnel. Je les vois atteindre au moins le dernier carré de la compétition.
Il y a quelques jours, le Japon s'est séparé de son entraineur, Vahid Halilhodzic. N'est-ce pas surprenant de voir une sélection virer son coach à deux mois d'une compétition aussi importante ? Et comment les Japonais peuvent s'en sortir dans ce contexte ?
De l'extérieur, personne n'est en position de juger la décision prise par la fédération japonaise. Mais, il est toujours triste de voir un entraineur partir juste avant qu'il ait pu montrer ses qualités à l'occasion du meilleur tournoi au monde. Vahid Halilhodzic a consacré beaucoup de travail et d'efforts au développement de la sélection japonaise au cours des trois dernières années et a obtenu de très bons résultats. Il mérite beaucoup de crédit pour le travail qu'il a fait. Cela dit, son remplaçant, Akira Nishino, est un entraineur très expérimenté. Non seulement, il connait parfaitement le viver des footballeurs locaux, mais il a aussi enregistré des succès comme coach dans des compétitions à la fois domestiques et continentales. Tout comme il a un bon vécu comme sélectionneur des moins de 20 ans et des moins de 23 ans. Je pense qu'il va travailler dur pour créer une bonne osmose entre les joueurs, surtout qu'il y a beaucoup d'entre eux qui évoluent aujourd'hui à l'étranger et dans de différents pays.
"L'Allemagne a une très bonne équipe, mais elle lui sera difficile de rééditer son triomphe de 2014"
Et l'équipe allemande, comment la jugez-vous ? Aussi forte, voire plus forte qu'il y a quatre ans ?
L'Allemagne fait toujours partie des favoris pour remporter la Coupe du Monde. Nous avons une très bonne équipe, avec beaucoup de joueurs de qualité. Mais, il sera très difficile de rééditer le triomphe de 2014 au Brésil.
Et si nous comparons la sélection allemande actuelle avec celle que vous aviez sous votre direction en 2006…
Chaque génération offre ses propres leaders et des joueurs hors norme. En 2006, j'ai eu le plaisir de diriger une équipe au sein de laquelle il y avait beaucoup de joueurs d'expérience comme Michael Ballack, Jens Lehmann, Oliver Kahn et Miroslav Klose. Et aujourd'hui, la sélection allemande est guidée par exemple par Manuel Neuer, Toni Kroos, Thomas Muller et Mesut Ozil. Chaque génération a ses propres défis, et sa propre dynamique. Mais, ce qui est le plus important, et qui constitue la pièce la plus importante du puzzle, c'est l'alchimie qu'il peut y avoir au sein de cette équipe.
Seriez-vous d'accord si on vous dit que cette sélection allemande manque d'un grand avant-centre comme vous vous l'étiez, ou Oliver Bierhoff ? Qu'avec un buteur de renommée, elle serait aujourd'hui imbattable ?
Non, je ne suis pas d'accord. Nous avons toujours de grands numéros 9 comme Timo Werner, Mario Gomez ou Sandro Wagner, par exemple.
Que pensez-vous de Timo Werner justement ? Est-il déjà armé pour mener la sélection allemande vers le sommet ?
Timo a un énorme talent et un très grand potentiel. Et il l'a déjà montré à l'occasion de la dernière Coupe des Confédérations. Il n'est pas vraiment attendu pour être le leader de l'équipe, mais il pourrait en surprendre plus d'un.
Parlons de vos souvenirs à vous de la Coupe du Monde. La consécration de 1990 est-ce le moment le plus mémorable de votre carrière de joueur ?
Gagner une Coupe du Monde c'est bien sûr le plus grand accomplissement dans le football. Et lorsque vous y arrivez, alors vous avez ce statut de champion du monde pour de bon.
Ne pas l'avoir gagné aussi en tant que coach en 2006, cela ne vous laisse-t-il pas un regret ?
Non, parce que l'équipe a fait tout ce qui était en son pouvoir pour remporter le tournoi. L'Italie méritait tout simplement plus de la gagner en 2006.
"J'espère que Low va continuer avec la sélection allemande pendant de longues années encore"
Ne regrettez-vous pas de ne pas avoir continué plus longtemps avec la sélection allemande en tant qu'entraineur, vu la génération de joueurs et la période de succès qui est arrivée après ?
Non, parce qu'avec ma famille nous souhaitions rentrer en Californie. Et, avec Joachim Low nous avions le coach parfait pour continuer le travail qu'on avait entamé en 2004.
Que pensez-vous justement du travail de Low, votre ancien adjoint ? Et êtes-vous inquiet pour le futur de la sélection allemande si Low venait à quitter son poste ?
Joachim est fantastique, à la fois comme entraineur ou en tant que personne. Son leadership est très positif et offre un équilibre. De plus, les joueurs adhérent à 100% à ses idées. J'espère qu'il va encore continuer pendant de longues années avec la sélection allemande.
Vous avez passé deux années en France comme joueur. Y séjourner comme entraineur vous intéresserait-il ?
Dans la vie, on ne sait jamais. Je n'ai que de bons souvenirs de mon passage à Monaco. J'ai beaucoup appris d'un coach comme Arsène Wenger et j'ai eu des coéquipiers exceptionnels comme Youri Djorkaeff, Emmanuel Petit, Lilian Thuram, Rui Barros, Jean-Luc Ettori et Claude Puel, pour ne citer que ceux-là. C'était un honneur d'avoir joué pour un club aussi magnifique.
Un mot sur Neymar. Comment jugez-vous sa première saison à Paris ?
C'est l'un des joueurs les plus attractifs au monde. Le fait qu'il joue au PSG et en France a considérablement rehaussé l'intérêt de la Ligue 1 à travers le monde. Il a fait une première saison fantastique au PSG et j'espère vraiment qu'il puisse se remettre de sa blessure et être apte pour jouer la Coupe du Monde en Russie.
Vous, qui étiez un grand attaquant, que pensez-vous de Kylian Mbappé ? Et comment évaluez-vous sa première année parisienne ?
Kylian Mbappé, on peut le comparer un peu à ce qu'est Timo Werner en Allemagne. C'est un joueur avec beaucoup d'énergie et qui est très percutant. Il a fait une très bonne première saison au PSG, remportant le championnat et la Coupe de la Ligue. Ce n'est pas si mal, surtout pour un joueur de son âge.
A Tottenham, il y a un buteur qui s'appelle Harry Kane et qui vous a remplacé dans le cœur des supporters. Pensez-vous que pour sa progression personnelle, il doit rejoindre un plus grand club européen ?
Non, Harry est déjà dans un très grand club et j'espère qu'il va pouvoir remporter des trophées avec Tottenham dans un futur proche.
"Si j'étais resté avec les Etats-Unis, je n'ai aucun doute qu'on se serait qualifiés pour le Mondial"
Parlons un peu de votre précédente mission aux Etats-Unis. Pensez-vous que vous auriez qualifié cette sélection pour la Coupe du Monde si la fédération n'avait pas mis un terme à vos fonctions à quelques matches de la fin ?
J'ai connu de très bons moments avec la sélection américaine pendant cinq ans et demi. Sortir du groupe de la mort au Brésil lors du Mondial 2014 alors qu'il y avait des équipes comme l'Allemagne, le Portugal et le Ghana, puis atteindre les demies de la Copa America 2016 c'était très excitant. Et gagner des matches pour la toute première fois avec les Etats-Unis au Mexique, en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas nous a rendus très fiers. Je n'ai aucun doute sur le fait qu'on se serait qualifié pour le Mondial mais la fédération a fait son propre choix en novembre 2016.
Quelle a été votre réaction lorsque vous avez vu la sélection américaine manquer sa qualification pour la Coupe du Monde ?
Personne ne pouvait croire à cette défaite au Trinité et Tobago. C'était une énorme désillusion pour toute personne impliquée dans le football aux Etats-Unis, y compris moi.