Sur un simple terrain de la banlieue nord de Rio, près de 200 enfants âgés de 9 à 17 ans participent à une "peneira", "passoire" en portugais, dans l'espoir d'être retenus dans le centre de formation.
Les parents n'ont pas accès au stade, mais certains n'ont pas hésité à gravir une colline pleine d'arbustes qui surplombe le terrain pour pouvoir observer leurs rejetons.
"Je suis prête à faire tous les sacrifices. Je suis au chômage, parfois je n'ai pas de quoi payer le transport, mais j'arrive toujours à me débrouiller en empruntant par-ci, par-là", assure Vanessa, 33 ans.
Son fils est supporter de Flamengo, grand rival de Vasco, mais peu importe. Tous les moyens sont bons pour réaliser son rêve de devenir joueur professionnel.
Mais comme son nom l'indique, la "passoire" est un filtre impitoyable et les élus sont peu nombreux. "En général, 10% des jeunes passent le premier cap de la sélection et seront soumis à une nouvelle batterie de tests au siège du club", explique Uerner Leonardo Passos, responsable de la "peneira".
Les tests, qui s'étalent sur trois jours, ont lieu tous les mois. Répartis par classes d'âge, les enfants doivent y montrer leur potentiel lors de petits matches de vingt minutes.
Casquette noire vissée sur la tête, Ronaldo Faria, l'un des principaux scouts de Vasco, n'en perd pas une miette. Il est le frère de Romario, plus grande star révélée par le club.
"Le secret du foot brésilien, ce sont les favelas. Des gamins qui jouent dans la rue, sur des terrains vagues", affirme ce quarantenaire qui ressemble comme deux gouttes d'eau à son frère aîné.
Réseau de contacts
Vasco ne ménage pas ses efforts pour dénicher des jeunes talents dans les quartiers défavorisés.
"Nos observateurs se rendent souvent dans les favelas et ont un réseau de contacts dans les associations locales qui les préviennent quand ils voient un gamin qui montre du potentiel", explique Luiz Rangel, responsable de la cellule de détection de jeunes talents de Vasco.
Jacy Oliveira, habitant du quartier populaire de Piedade, n'a aucun lien avec le club, mais il a amené quatre jeunes de son voisinage pour participer à la sélection.
"Beaucoup de bons joueurs n'ont pas l'opportunité d'être testés parce qu'ils n'ont pas d'argent pour se rendre aux tests", explique cet apprenti scout, qui paie le transport de sa poche en espérant trouver la perle rare.
"Pour l'instant, je n'ai que des dépenses, mais je suis sûr qu'un jour, une étoile va briller sur mon chemin", s'enthousiasme Jacy.
Parmi les jeunes joueurs qui défilent sur le terrain, un seul attire l'attention de Ronaldo Faria : Felipe, un latéral de neuf ans haut comme trois pommes qui drible avec une facilité déconcertante des adversaires pour la plupart plus âgés et plus grands que lui.
Son frère jumeau, Fernando, a beaucoup plus de mal. Tétanisé par l'enjeu, il tremble comme une feuille sur le bord du terrain.
Un des responsables de la "peneira" vole à son secours: "N'aie pas peur, il suffit de faire comme d'habitude, quand tu joues dans la rue avec ton frère".
'Gamins formatés'
Le principal défi de ces tests est de montrer son talent en peu de temps, sans jouer de façon trop individualiste.
"Les gamins sont formatés dès le plus jeune âge, il y en a de moins en moins qui jouent de façon spontanée", constate Luiz Rangel.
"On observe toute une série de caractéristiques : aisance avec le ballon, le positionnement sur le terrain, la manière de parler aux autres joueurs de l'équipe. Tout a une influence", résume-t-il.
"Si on essaie de se mettre en avant, de faire des choses différentes, on finit par rater. On nous demande de jouer simple et de faire des passes", raconte Caio Rodrigues, ailier droit de 15 ans.
Pedro Henrique, 13 ans, a son propre secret pour éblouir les scouts : des gestes techniques inspirés de vidéos de ses idoles, Neymar et Paul Pogba.
"Quand je serai grand, je veux jouer avec eux, avec Neymar, en équipe nationale", espère ce jeune garçon timide, qui cache son visage dans des bouclettes aux reflets blonds.