Un Championnat pour joueurs en fin de carrière. Il y a quelques années à peine, la Turquie prenait des airs de destination prisée par les footballeurs pas tout à fait prêts pour raccrocher, mais plus assez affûtés pour espérer un dernier gros challenge. Depuis peu, une nouvelle tendance a émergé. La Süper Lig est devenue une option crédible et commence à se développer. Les droits TV ont explosé et ont été attribués pour 400 millions d'euros. Une partie des matches sera même retransmise en France. Une première. Les joueurs sont nombreux à avoir franchi le pas lors de ce mercato. Et il faut avouer que la ligue turque ne manque pas d’arguments.
Un pays de football
Aucun risque de voir Messi ou Ronaldo débarquer en Turquie cet été. Ce n’est, de toute façon, pas le type de cibles que privilégient les clubs turcs. Ce qu’ils recherchent avant tout, ce sont des joueurs toujours compétitifs, en fin de contrat ou en situation d’échec : Bafé Gomis, Jérémy Ménez, Mathieu Valbuena, Gaël Clichy et tant d’autres. Le plus gros coup revient au Besiktas qui est parvenu à attirer Pepe, pourtant dans le viseur du PSG. "Le fait qu’il ait choisi Istanbul n’est pas anodin, nous explique Jacques Faty qui a évolué à Sivasspor, dans l’est de la Turquie. C’est un pays qui n’est, certes, pas encore au niveau des cinq grands championnats européens, mais elle a un championnat compétitif. Ça joue plutôt bien, la compétition est rude." Le challenge sportif fait en effet pencher la balance de son côté. Le niveau est plus que correct et tranche par exemple avec la Russie. Aux clubs historiques, viennent s'ajouter ceux qui émergent. Une aubaine pour l'attractivié de la Süper Lig, la cerise sur le gâteau restant la possibilité de disputer la Ligue des champions.
Au challenge sportif, ajoutons une réelle culture foot. A Istanbul, cinq clubs se partagent la ville : Besiktas, Fenerbahçe, Galatasaray, Basaksehir et Kasimpasa. Les rivalités y sont exacerbées et en termes d’ambiance, les Turcs savent y faire, notamment lors des derbies où les stades sont bondés : "Ils aiment le foot, poursuit Faty pour Goal. Quand ils supportent une équipe, ils le font vraiment. Ils s’investissent corps et âme. C’est sûr que se dire qu’on va jouer dans un stade plein, devant des passionnés de foot, c’est intéressant. C’est plus d’ambiance, plus d’énergie, donc plus de motivation." La ferveur, elle, se traduit dès l'arrivée des recrues à l'aéroport. Les joueurs, même moyens, sont accueillis comme de véritables cracks. Ça a été le cas de Gomis avec les supporters de Galatasaray ou de Valbuena avec ceux de Fenerbahçe. Une manière singulière de souhaiter la bienvenue et de se distinguer des destinations exotiques comme la Chine, qui tarde encore à offrir un spectacle plaisant et à soulever les foules.
Des achats moindres, des salaires conséquents
La Turquie a rôdé son système au fil du temps. Pas question de dépenser des millions d'euros en indemnités de transferts. Le calcul est simple : jeter son dévolu sur des joueurs peu onéreux ou libres afin de leur proposer des salaires mirobolants. Pepe n’a rien coûté à Besiktas puisque le Portugais était en fin de contrat avec le Real Madrid. En revanche, pour ses deux saisons passées dans le club stambouliote, il touchera pas moins de 9,5 millions d’euros, soit quasiment 5 millions d'euros annuels. Pour Bafé Gomis, Galatasaray n’a versé que 2,5 millions d’euros à Swansea lui permettant ainsi de mettre le paquet pour ses émoluments. Plus de 3 millions d'euros par an pour l’attaquant et 2,5 millions d'euros de primes additionnelles. Des chiffres qui font sérieusement réfléchir. D’autant que le système fiscal turc présente des avantages difficiles à refuser.
En Turquie, le taux d’imposition est de 15% pour les footballeurs, soit trois fois moins qu’en France. Et ce n’est pas négligeable : "C’est clair que ça compte !, admet Jacques Faty. Que ce soit quasiment net d’impôts, ça joue énormément. Ce que j’avais en brut en France par exemple, je l’avais en net en Turquie. Il fallait deux ou trois ans en France pour l’avoir… Il faut être honnête." Un des points noirs reste toutefois la gestion des clubs. Pour certains d’entre eux, les retards de paiement des salaires sont toujours récurrents. La FIFA tente cependant de résorber le problème. Une preuve que la Turquie doit encore passer un cap pour définitivement entrer dans la cour des grands.