La symbolique 100e rencontre entre les deux équipes phares d'Alger va se dérouler cette fois à huis clos et loin des rues de la capitale où la police est parfois contrainte d'user de gros moyens pour séparer les deux turbulentes franges de fans.
Le match aura lieu jeudi à Blida (50 km au sud d'Alger), la Ligue nationale ayant décidé de sanctionner le Mouloudia pour le mauvais comportement de ses supporters.
Même le très sérieux quotidien gouvernemental El Moudjahid a regretté cette décision qui "tue" un derby ayant drainé l'année dernière plus de 60.000 spectateurs au stade du 5-Juillet.
De quelque région que soit un supporteur algérien, un match MCA/USMA reste le rendez-vous sportif de l'année, à la saveur entretenue pendant des jours par la presse qui n'hésite pas à le pimenter de déclarations ou de confidences difficiles à vérifier.
Pour la majorité des Algérois et les autorités, le rendez-vous est pourtant une source de nuisances. Des jours durant, des cortèges bruyants sillonnent tous les quartiers dans une joyeuse anarchie qui se moque des règles de conduite. Les rues sont pavoisées d'immenses banderoles suspendues de part et d'autre ou accrochées aux balcons.
En dehors des stades, les fans des deux clubs se côtoient pourtant en bons voisins : ceux du MCA viennent surtout du faubourg populaire de Bab El Oued, qui fut un quartier où les pieds-noirs de la classe moyenne cohabitaient avec les autochtones durant la colonisation française. Les "usmistes" sont en majorité de la Casbah voisine, la vielle ville authentiquement algérienne.
Les 'Chinois' du MCA
En dehors de la capitale, les supporteurs du MCA, fondé en 1921, sont plus nombreux. Pour leur faculté à se déplacer en masse à travers le pays, ils ont acquis le surnom de "chnawa" (les Chinois).
Entre les deux clubs, la rivalité remonte à 1937 quand fut créée l'Union Sportive Musulmane Algéroise (premier nom du club), seize ans après le Mouloudia (en référence à la naissance du prophète Mahomet) Club d'Alger.
Elle va s'exacerber quand le Front de Libération Nationale (FLN) eut appelé les clubs algériens à ne plus participer aux compétitions en pleine guerre (1954/1962).
Qui du Mouloudia ou de l'Union eut l'honneur de répondre le premier à l'appel du Front lancé en 1956 ? La question embrase souvent les discussions. Et les Mouloudéens, en doyens, finissent toujours par retrouver leur condescendance. "De toute façon, c'est le MCA qui a donné naissance à l'USMA", affirme Messaoud Turki, un dirigeant du Mouloudia.
La surenchère nationaliste touche jusqu'aux couleurs des équipes. Le MCA se drape du vert de l'islam, de blanc et de rouge, qui vont former l'emblème national. Et l'USMA de rouge et de noir. "Au départ, le club portait juste le rouge. Il a ajouté le noir en signe de deuil après la sanglante répression des manifestations de Sétif" le 8 mai 1945, une page noire de l'histoire de la colonisation, rappelle Mohamed Zerkaoui, un usmiste de 60 ans.
Frères ennemis
A la tête de chacun des clubs, il y a eu des figures issues du mouvement nationaliste.
Aujourd'hui, le Mouloudia est financé par le puissant groupe public des hydrocarbures Sonatrach et l'USMA par le riche homme d'affaires Ali Haddad qui dirige la plus influente organisation patronale dans le pays.
Sur le plan purement sportif, les deux clubs voisins doivent s'affronter cette semaine pour la 100e fois avec un avantage pour l'aîné d'entre eux : 36 victoires pour le MCA, 27 pour l'USMA et 36 matchs nuls.
Au plan national, ils ont gagné chacun 8 fois la coupe et 7 fois le championnat. Un accord non écrit interdit les transferts de joueurs d'un club vers l'autre, hormis quelques rares cas.
La rivalité touche même les familles. Dans les années 70, les frères Tahir Hassan (attaquant au MCA) et Kamel (gardien à l'USMA) ne pouvaient pas se retrouver dans le même domicile en cas de victoire de l'un ou de l'autre.
Amir Meddour, rencontré à La Casbah, affirme avoir "interdit" à son fils de trop côtoyer ses oncles maternels "de peur de bagarres" avec ces mouloudéens.