C'est dans l'atmosphère électrique de Marseille que Dijon aborde cette campagne 2017-18. L'An II pour une équipe reconnue pour son jeu léché et ses bonnes prestations contre les cadors de Ligue 1. Olivier Dall'Oglio, l'entraîneur du DFCO, nous a reçu dans son bureau pour un long entretien. Le ton est calme, assuré, entre ambition et humilité. Dans un club qui continue de grandir, ses méthodes et ses idées font l'unanimité.
Olivier Dall'Oglio : Un bilan plutôt positif parce que ça s’est plutôt bien terminé, même si ça s’est terminé difficilement. On avait prévu une saison de ce type. On savait qu’on serait plutôt dans le bas du classement et qu’on aurait des hauts et des bas, mais c’était une année d’apprentissage aussi. On a bien appris. Beaucoup de monde découvrait la Ligue 1. Je pense que cette année-là nous a fait du bien au niveau de l’expérience.
Dans une semaine type pour un entraîneur, qu’est-ce qui change le plus entre la Ligue 2 et la Ligue 1 ?
Les sollicitations médiatiques, ça c’est sûr. Après on a la même philosophie de travail depuis un moment mais on essaie simplement de renouveler, de s’améliorer constamment, de chercher à varier les entraînements. On s’est améliorés aussi sur le côté technologique parce qu’on a des logiciels plus performants. On filme encore plus nos matches sous différents angles. On analyse encore plus profondément. D’une année à l’autre, entre la Ligue 2 et la Ligue 1 on a appris beaucoup de choses. On a rajouté un préparateur athlétique dans le staff aussi. Et médiatiquement, on a plus de sollicitations. Avec la télé, la presse régionale. Ça n’a rien à voir même si la Ligue 2 a pris une autre ampleur au niveau des médias. À juste titre d’ailleurs.
Dans l’étude de l’adversaire, on sait que les caractéristiques des joueurs et des équipes diffèrent un peu…
Même si la méthodologie n’a pas changé, on a voulu être plus dans la simplicité pour s’adresser aux joueurs. Il fallait être pertinent sur les choix des données qu’on leur transmettait. Il faut que ça fasse "tilt" chez eux. C’est surtout là-dessus. Et la différence qu’on a constatée, c’est au niveau de la puissance sur le plan athlétique. Il y a plus de justesse technique en Ligue 1, ça on le savait. Mais ce qui nous a sauté aux yeux c’est cette puissance où tous les weekends, nos défenseurs étaient confrontés à des attaquants qui ont plus de vitesse, plus de percussion. La Ligue 2 est davantage dans le combat, ça se ‘heurte’ plus. Mais en Ligue 1, on a affaire à des athlètes.
Vous avez récemment prolongé votre contrat avec le DFCO (jusqu’en 2020). Racontez-nous votre histoire avec le club. Comment vous, le Cévenol, êtes-vous arrivé jusqu’à Dijon ?
Juste avant d’arriver à Dijon, j’étais sur une expérience à l’étranger à Dubai où j’étais l’adjoint de Dominique Bathenay. Je suis resté une année sans contrat et j’ai été contacté par l’intermédiaire d’amis qui travaillaient avec le club. Le club de Dijon cherchait un DEPF, un diplôme, parce qu’à l’époque c’était Patrice Carteron qui était le coach et il n’avait pas le diplôme, il fallait qu’il soit couvert car la personne qui le couvrait allait partir. Comme j’ai joué avec Patrice à Rennes, on se connaissait. Puis j’ai rencontré le président et Patrice a été d’accord pour que j’intègre le staff une année. Je me suis retrouvé à signer deux ans à Dijon : première année adjoint de Patrice Carteron où le club accède à la Ligue 1 (en 2011, ndlr) puis une proposition pour prendre le centre de formation la seconde année, que j’ai acceptée. Et là j’ai travaillé avec l’ensemble de l’association. Ces deux années m’ont permis de connaître tout le club. C’est comme ça que je suis arrivé au DFCO.
Beaucoup de garçons de votre groupe ont eu des trajectoires atypiques comme vous (Diony, Lees-Melou, Tavares, Sammaritano...). Est-ce que c’est une force supplémentaire ? On sent une vraie cohésion, une unité forte.
C’est l’idée. Si on reprend les deux années que j’ai passées ici, il s’est passé beaucoup de choses. J’ai proposé au nouveau président un projet, qu’il a accepté. On souhaitait stabiliser le club au niveau sportif, lui allait le stabiliser au niveau financier. Et on voulait travailler avec des gens issus du club. Constituer un staff avec des personnes précises à certains endroits et donner une identité à ce club avec un côté familial, déjà – beaucoup de communication avec l’association, les supporters, les médias – pour fédérer un peu tout le monde. On est parti de cette idée-là pour grandir. Et comme il fallait recruter mais qu’on ne pouvait pas encore produire nos joueurs et que les recrues sont chères, dans le recrutement avec Sébastien Larcier (responsable du recrutement, ancien joueur du club, ndlr), il y a eu beaucoup de travail qui a été fait, beaucoup de recherches. On s’est retrouvés avec des joueurs aux parcours atypiques qui pouvaient s’investir dans ce projet-là. Nous, on pouvait leur donner une nouvelle chance. Mais ce qu’on cherchait d’abord, c’était des joueurs avec un très bon état d’esprit. Un état d’esprit "club". Et une marge de progression. C’est pour ça que cet état d’esprit transpire un peu aujourd’hui.
La qualité de jeu de votre équipe a été unanimement louée la saison passée. Est-ce que c’est quelque chose qui prime vraiment dans votre réflexion ? En Ligue 1, concilier jeu offensif et objectif du maintien est une équation difficile à résoudre.
C’est vrai que quand on est montés, on était la meilleure attaque… Je suis un peu dans cette philosophie. Les gens qui me connaissent savent que j’essaie de trouver des solutions par le jeu, même si c’est un peu risqué. C’est la première question qu’on m’a posée : ‘est-ce que vous allez continuer à jouer comme ça, même si vous êtes en Ligue 1 ?’. J’ai répondu oui parce que j’ai les joueurs qui ont cette philosophie-là, et que je ne suis pas sûr qu’on réussisse en passant sur une équipe ultra-défensive du jour au lendemain. Maintenant, l’idée ce n’était pas non plus de partir la fleur au fusil. On travaille beaucoup le jeu offensif, mais je veux aussi m’appuyer sur quelque chose de solide au niveau défensif. S’il n’y a pas ça, on n’aura pas une base solide et on va faire que courir après le ballon. Je le répète tous les jours aux joueurs. On veut être solides défensivement pour pouvoir augmenter nos possibilités de jeu. Et défensivement, ce lien part des joueurs de derrière. Au-delà des défenseurs, on veut des gardiens avec des pieds. Le plus dur c’était de garder cette philosophie jusqu’au bout et de réussir notre pari.
Comment expliquez-vous ce bilan presque opposé entre vos résultats à la maison et vos difficultés à l’extérieur ?
C’est un problème pour nous, effectivement. On a presque toujours eu ce souci. Loïs Diony disait souvent qu’il jouait dans son jardin à Gaston-Gérard. Avec le staff, on les sent beaucoup plus concentrés, concernés, à la maison qu’à l’extérieur. Parfois c’est passé à trois fois rien… À Monaco par exemple (défaite 2-1 en fin de match après avoir mené 1-0, ndlr). Il y a eu des cas particuliers mais c’est vrai que ce souci nous pèse donc on va changer l’approche : sur les 6 premiers mois du championnat, on partira la veille. On ira au vert à l’extérieur. On prendra le temps de s’installer où on ira jouer.
Vos joueurs se mettent-ils dans une autre posture quand ils abordent un match à l’extérieur ? Moins libérés ?
Peut-être. L’idée reste la même pourtant. Mais on a pu constater qu’il y a moins de propositions des joueurs à l’extérieur. On se contente un peu de défendre et on propose moins derrière. On veut remédier à ça.
Avez-vous des modèles qui vous ont inspirés dans votre carrière d’entraîneur sur le plan tactique ?
Je n’ai pas vraiment de modèle, non. Par contre je regarde beaucoup ce que les autres font, notamment au très haut niveau. J’aime bien analyser les matches, voir ce qui a été abordé. Savoir si nous, avec nos modestes moyens, on peut se servir de certaines choses. Je m’en sers. Je montre des images de Champions League aux joueurs. Pas que de la tactique, des comportements aussi, sur l’intensité… C’est énorme. Il n’y a pas de faille au niveau mental. C’est un bon exemple pour nous. Et au niveau tactique bien-sûr il y a des choses qui sont très intéressantes. Mais je n’ai pas de modèle, je pense qu’il faut savoir s’adapter aux joueurs que l’on a et essayer de trouver la meilleure tactique possible. Aujourd’hui, ce qui a changé ces dernières années, c’est qu’il y a encore plus d’observation de l’adversaire. Ce que je demande aux joueurs c’est d’être polyvalents pour qu’on puisse jouer dans différents systèmes de jeu.
Dans votre management, vous dégagez l’image de quelqu’un d’assez posé.
C’est plus mon caractère. Si je dois être volcanique, je garderai ça à l’intérieur. J’aime bien analyser, écouter avant de prendre une décision. Ça me donne une certaine sérénité que j’essaie de faire passer aux joueurs. Maintenant il faut aussi leur faire comprendre qu’on est là pour la compétition mais je ne me force pas. C’est mon caractère, je reste moi-même. Je ne vais pas chercher à jouer un rôle. C’est quelque chose qui me correspond.
L’été dernier le club a axé le recrutement sur des joueurs d’expérience. Est-ce que ça a été une autre clé ? Vous avez des relais ?
Oui, ça a été notre souhait de prendre des joueurs d’expérience parce qu’on savait qu’une grosse partie du groupe allait découvrir la Ligue 1. Il fallait les encadrer. Je peux avoir des retours de la part de Flo Balmont, de Cédric Varrault, de Fred Sammaritano… Des garçons aussi comme Baptiste Reynet ou Julio Tavares qui étaient là. L’année dernière, Yohann Rivière a aussi joué un rôle très important même si il n’avait pas une grosse expérience de la Ligue 1. Je suis là pour collaborer avec eux, comme je leur dis. J’ai besoin d’eux pour avancer.
On sait aussi que vous êtes un passionné d’art. Est-ce que cette passion hors-football vous aide dans votre approche du métier ?
Oui parce que ça me permet de sortir du contexte, prendre du recul. Ce métier est prenant, passionnant, mais ça bouffe de l’énergie. J’aime bien regarder ce qu’il se fait, les expositions qu’il peut y avoir. Ça m’aide. Et quand on est devant une toile, il faut aussi être inspiré, avoir de la patience… Il y a plein de trucs qui m’aident. La moto aussi. J’aime bien prendre ma moto et aller faire un petit tour.
On imagine que le départ de Loïs Diony va changer des choses dans votre animation offensive. Est-ce que ça va changer votre mise en place ? Benjamin Jeannot ou Welsey Saïd sont arrivés.
Je suis encore un peu en période de découverte. Il y a un changement d’homme, de joueur, de style. La puissance de Loïs associée à Julio nous donnait un certain style, si l’on rajoute Pierre Lees-Melou qui a aussi fait une très belle saison. Avec l’arrivée de Sliti, on va gagner sur le côté technique, on risque de perdre sur le côté puissance. On aura certainement une modification de notre jeu, il faut qu’on trouve notre place par rapport à ça. C’est assez intéressant de voir comment on va faire évoluer tout le monde sachant qu’on a quand même des garçons comme Kwon Chang-hoon ou Sammaritano. Il faut qu’on ait ce surplus de technique pour être aussi performants mais dans un autre style.
Dans quel état d’esprit abordez-vous cette saison 2017-18 ? C'est l'An II, vous serez attendus.
C’est tout à fait ça, c’est l’an II pour nous. On nous dit que c’est souvent l’année la plus compliquée, on va le découvrir... On veut perfectionner le jeu pour pouvoir avoir des résultats. C’est l’idée première. Et perfectionner le jeu ça veut dire être plus solides défensivement, être plus réactifs à la perte parce que l’année dernière nos problèmes défensifs n'étaient pas dûs qu’aux défenseurs mais aussi à notre réactivité quand on perdait le ballon. Et quand on le récupérait, la disponibilité n’était pas toujours là et on le reperdait... Dans notre jeu, c’est ce qu’on va essayer de rajouter. L’idée reste de produire du jeu, être bons, être meilleurs dans nos déplacements, se procurer des occasions pour pouvoir avoir des résultats.
Et quel est votre regard sur la Ligue 1 ? On voit qu’il y a beaucoup d’investisseurs qui arrivent. Où situez-vous le DFCO dans ce paysage ?
On reste quand même un petit club. Comme on l’a dit, c’est l’an II en Ligue 1 donc on va faire encore partie des plus petits budgets même si il va augmenter… Il y a plusieurs exemples. Il y a l’exemple d’Angers qui est légèrement en avance sur nous. On le voit, ils se sont améliorés dans leurs structures : centre de formation, centre d’entraînement… Nous, on est deux-trois ans derrière eux. Je crois que c’est une bonne stratégie, on est un peu dans leurs pas. L’idée première reste de s’enraciner dans cette Ligue 1. On veut pouvoir y rester avant d’aller essayer de titiller les dix premiers etc… Mais aujourd’hui, on n’en est pas là. Après, il y avait un club qui est redescendu malheureusement qui s’est aussi construit petit à petit et qui a fait de très bonnes choses, c’est Lorient. C’est aussi un bon exemple. On est un peu dans ces clubs-là parce qu’on n’a pas d’histoire. L’histoire, on se la crée au jour le jour. On cherche aussi à s’implanter dans la région parce qu'il ne faut pas oublier qu’on est entourés de gros centres de formation.
Auxerre, Sochaux, Lyon un peu plus loin…
Ce sont de bons exemples aussi. Après, il faut regarder ce qui a marché ou pas. Avec le président, on est sur la même longueur d’ondes. Il faut progresser, étape par étape, ne pas s’enflammer, rester humbles. On peut vite retomber dans les travers. Une mauvaise saison et vous retombez en Ligue 2. Quand on regarde le nombre d’anciens clubs de Ligue 1 - et des gros clubs… Nous, on suit notre bonhomme de chemin. On est obligés de s’améliorer mais on doit rester très humbles parce que ça reste du travail humain. Et il peut y avoir des failles d’une saison à l’autre.